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pour réfléchir, débattre

  • Photo du rédacteur: Noël
    Noël
  • 29 mars 2020
  • 2 min de lecture


Texte de Cédric Sapin Defour (écrivain alpiniste)

De notre absence, la nature se porte bien. Merci pour elle. Beaucoup l’expriment, le mesurent, le ressentent. Avec le confinement, les satellites redécouvrent la Terre et nous, le chant des oiseaux. Si nous parlions la langue des autres vivants, du gypaète à l’épi de blé, ils nous diraient comme ils vont mieux. La première idée est l’enthousiasme, nous y avons droit. Que la nature malmenée de toute part souffle et respire enfin, cette observation sonne comme un élan, un ravissement. Exaltation presque coupable quand tant d’hommes et de femmes aujourd’hui souffrent de manquer d’air et s’en fichent bien que les abeilles virevoltent. Puis les sourcils se froncent, le poing se ferme. Le refus surgit. Plus jamais - ce serait perdre un temps trop précieux - je ne m’emploierai à convaincre ceux qu’on dit les sceptiques, ceux-là niant la nocivité de l’Homme à l’endroit de la Nature. Il n’aura fallu qu’une poignée de semaines à calmer, contraints, nos ardeurs et notre frénésie de dominant pour que l’air s’apaise et que les dauphins de nouveau dansent. Pour que l’évidence jaillisse aux yeux même des aveugles. Joueront-ils encore du doute ? Mon inquiétude, c’est même qu’ils utilisent cette parenthèse. Les sceptiques, ceux-là, sont des opportunistes, de cette phase, ils s’approprieront le récit. Eux prônant un monde jetable vont désormais le proclamer réparable. Peut-être ne nieront-ils plus leur part de souillure, nous croirons alors à une victoire de la vie mais ils nous diront « Voyez les inquiets, il suffit d’un mois de jeûne et notre Terre aisément se remet. » Ils brandiront une nouvelle croyance, la résurrection du vivant. Peut-être convoqueront-ils jusqu’à Jules Verne, son Ile Mystérieuse et l’envisageable revivification. Ils agiteront ce permis de tout détruire puisque tout renaît. Nous savons, nous, l’irréparable et les disparitions définitives. Nous savons, nous, qu’un jour, le vivant meurt pour de bon. Alors quand cette rude parenthèse s’adoucira, quand nous aurons, à notre petite mesure, aidé les soignants à soigner le monde, il s’agira de mener une autre lutte, pas moins âpre, pas moins vitale. Celle des leçons retenues.

 
 
 

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