top of page

POUR LIRE (texte d'Henri Merle)

  • Photo du rédacteur: Noël
    Noël
  • 31 mars 2020
  • 3 min de lecture

JADIS LES ESCARGOTS

La gent colimaçon évolue bien laborieusement, laissant derrière elle la trace d’une bave irisée couleurs d’arc-en-ciel…

Pourquoi, te demandes-tu, petit enfant ?

Ô bambin babillant ! Ô poulain galopant dans les vertes prairies de l’innocence…Ô pervers polymorphe, pose un instant les ciseaux de mère-grand avec lesquels tu t’apprêtais à couper les cornes de l’infortuné gastéropode, pose les donc, sale mioche ou tu prends une taloche! Et viens ouïr cette histoire :

Il y a très très longtemps, les poules avaient des dents, les roses pas d’épines, et les escargots, eux, étaient volants. Ils possédaient de très belles grandes ailes très robustes, car transporter les escargots très haut dans le ciel, défier la pesanteur, rude labeur.

L’inventeur de ces ailes jalousées de l’aigle, c’était le Bon Dieu des escargots, un Bon Dieu très bricoleur, mais aux idées bien arrêtées.

« Escargot, avait-il décrété le neuvième jour, (celui de la distribution des ailes à tous les animaux volants de sa création), tu auras le droit de voler où bon te semble, jusqu’à l’arc-en-ciel si tu le veux, mais défense de te poser sur lui ». Mais un joli matin de mai, deux petits escargots taillaient une bavette entre deux feuilles de laitue, et l’un dit à l’autre : « Je parie que t’es pas cap’ de te poser sur l’arc-en-ciel, tu es trop poltron !

-Tu vas voir si je suis poltron ! rétorqua le second escargot. Je vais sur l’heure m’y poser, sur l’arc-en-ciel !... Tu me suis ?

Certains prétendent que c’est un escargot fille qui suggéra cette idée à l’autre escargot garçon. Ces incultes phallocrates ignorent que les escargots sont hermaphrodites.

Et les deux escargots s’envolèrent haut, si haut, pour se poser sur l’arc –en-ciel.

Ah qu’il était beau l’arc-en-ciel du Bon Dieu des escargots ! Qu’il fut doux d’y atterrir, ou plutôt d’y arc-en-cielir pour faire du toboggan. Et que je te glisse, et que je te glisse, des heures et des heures, sept heures au moins, une par couleurs, rien que du bonheur.

Soudain une voix tonna derrière eux, tonnant pour de vrai, parce qu’elle s’accompagnait d’éclairs et de roulements de tonnerre formidables.

« Mais que faites-vous, petits galopins, sauvageons ! Vous osez glisser sur l’arc-en-ciel du Bon Dieu ! ? »

Celui qui parlait ainsi, c’était l’ange gardien de l’arc-en-ciel, un vieil ange fatigué, au onzième échelon du dur métier d’ange, un ange en fin de carrière et aux ailes déplumées…Cet ange s’apprêtait à éteindre l’arc-en-ciel en appuyant sur le petit bouton de rose prévu à cet effet.

« Ange, bon ange, bel ange, supplièrent les deux escargots, ne nous dénonce pas au Bon Dieu des escargots… Bon ange,bel ange, prends pitié…

-Bel ange, bel ange, c’est vite dit ! voyez mes deux moignons déplumés, quand je pense que vous, vous avez des ailes haut de gamme. »

Cet ange était en vérité jaloux, mesquin mais aussi calculateur :

« Si je dénonce les deux galopins, se dit-il, j’aurai certainement une promotion, je passerai dans la catégorie archange, avec de nouvelles ailes toute neuves…. Et puis le devoir c’est le devoir ».

Alors l’ange gardien de l’arc-en-ciel dénonça les deux escargots au bon Dieu des Gastéropodes, qui se dit dans sa tête de Bon Dieu :

« Si je pardonne ,mille et mille milliards d’escargots vont se croire tout permis, ils se poseront sur mon arc-en-ciel, et ça va laisser des traces de bave sur les sept couleurs, il faudra que je crée une ribambelle d’anges nettoyeurs d’arc-en-ciel, je n’ai pas que ça à faire, je suis en train de créer l’Homme, et ça me donne bien du souci. (À cette époque lointaine, l’Humanité, qui s’avère ainsi descendre en quelque sorte de l’escargot, n’était pas encore au point comme aujoufd’hui).

« Allez hop, plus d’ailes pour les gastéropodes, il n’est pas d’autre solution. Tout de même, être Dieu, quel infernal boulot ».

Voici, petits enfants, pourquoi les escargots n’ont plus d’ailes et laissent en rampant ce sillage irisé reflétant les sept couleurs de l’arc-en-ciel. Les gouttes de pluie ? Ce sont les larmes de remords versées parfois par l’ange gardien de l’arg-en-ciel qui n’obtint jamais sa promotion : le Bon Dieu des escargots n’aime pas les mouchards.

Quand les colimaçons lèvent après la pluie leurs yeux cornus, c’est pour revoir l’arc-en-ciel toboggan. Ça leur flanque un coup de nostalgie sur la tabatière, vraiment. Enfant, pose les ciseaux de mère-grand.

HENRI MERLE

 
 
 

Posts récents

Voir tout

Commentaires


bottom of page